A première vue, Ljuka peut paraître être un type arrogant. Un bad boy, en quelque sorte. Et c'est un petit peu, le cas. Disons que toutes les choses pas très légales qu'il a pu faire, il les a faites pour le fun. Il est comme ça, il aime profiter au maximum sans réfléchir à ses actes. Voilà pourquoi il aime tant cette nouvelle liberté que lui a offert son arrivée dans la Grosse Pomme. Pouvoir sortir à volonté, se faire plein de nouveaux amis, découvrir et assumer sa sexualité ; c'est ça pour lui le rêve américain vu que lui, contrairement à beaucoup de personnes tentant leur chance dans ce pays prometteur n'est pas là pour partir de rien et réussir dans un domaine en particulier. Déjà, il n'est pas parti de rien et s'il le voulait, avec l'argent de ses parents il pourrait presque ne jamais travailler de toute sa vie. Seulement voilà, l'indépendance force aussi à se débrouiller par soi-même alors pour s'occuper dans la journée, il se rend à la prestigieuse université de Columbia, en plein cœur de Manhattan où il étudie la sociologie. Pour quoi faire ? Bonne question.

Anyway, la deuxième qui peut vous frapper contraste totalement avec la deuxième et c'est ce qui fait de lui l'être contradictoire qu'il est. Dans sa manière d'être, vous remarquerez sans doute que le jeune homme aime énormément prendre soin de lui et que malgré tout, il est très courtois avec les gens qu'ils ne connait pas et affectif avec les autres. Avec cette deuxième catégorie de personne, il n'hésite pas à charrier ou à « insulter » mais toujours avec cette petite pointe de gentillesse, il ne faut donc jamais le prendre au sérieux à ce niveau-là. Ou bien s'il est énervé, vous vous en rendrez rapidement compte, il n'hésitera en effet pas à vous le dire s'il veut vraiment que vous dégagiez de son chemin ou même de sa vie. Vive la franchise et l'honnêteté. La première visée, sa sœur Milla bien sûr avec laquelle il s'entend à merveille. « Son boulet personnel » comme il dit parfois. Mais il lui rappelle aussi très souvent qu'il l'aime. En fait, il est assez démonstratif que ce soit dans ses relations amicales ou en amour. Ce que certains autres hommes ont du mal à comprendre. Mais oui, c'est un grand enfant toujours en manque de tendresse alors n'hésitez pas à lui faire un câlin.

Sinon, c'est un grand fêtard. Et il en a le rythme : couche-tard, lève-tard. Si vous êtes dans sa promo, il ne vous sera sans doute pas rare de le voir très très fatigué. Et dans ses moments là, il peut être irritable alors faites attention. Le nombre incalculable de cigarettes qu'il fume n'ont pas pour effet d'arranger les choses, of course. Dans une soirée, il sera toujours la personne qui en fait des tonnes au milieu de la piste de danse avec tout de même un verre à la main. Parce que malgré tout, il aime se faire remarquer. Et puis il a une passion énorme pour la musique. C'est ça d'avoir le sens du rythme dans la peau. Il gratouille à l'occasion et aime taper sur tout ce qu'il trouve mais surtout sur sa batterie qu'il a baptisé Rocky et qui se trouve dans le garage souterrain de son appartement étant donné que monsieur n'a pas de voiture. Il préfère prendre le Subway, c'est tellement plus rock'n'roll !

« Journal intime. Relation quotidienne de cette part de l'existence que l'on peut se confier à soi-même sans avoir à en rougir. » Ambrose Bierce

« 25 janvier 2004. Je n'ai jamais voulu de tout cet argent. Je me suis même souvent dit que je serais même bien plus heureux sans. Mais le destin a voulu que ça se passe ainsi. Que je naisse dans cette maudite famille de bourgeois coincés. Trop de traditions, trop d'exigences. Ils en attendaient plus de moi que ce que j'étais capable de leur fournir. Mais à vrai dire, ils s'en fichaient royalement. Ils n'étaient jamais là pour s'occuper de moi. De nous. A ma sœur, ça lui convenait tant qu'on lui donnait son argent de poche hebdomadaire. Dès notre plus jeune âge, nous étions déjà corrompus par nos propres parents. Sous la Loi du Silence. Ils vivaient de leur côté et nous, du nôtre. Oui, j'aurais sans doute préféré grandir dans une famille unie et équilibrée. Mais d'un autre côté, je n'ai jamais été malheureux et toujours à l'abri du moindre besoin. Nous étions en sécurité et surtout ensemble, elle et moi. »

« Tout bourgeois se sent élu disait Paul Nizan et bien moi j'ajoute pas forcément »

Lorsqu'il lui demanda sa main, ils avaient déjà tout prévu. Ils allaient avoir les plus beaux et les plus parfaits des enfants. Monsieur Kelinski, un genou à terre au beau milieu de ce prestigieux restaurant parisien enfila un magnifique solitaire au doigt de sa promise, émue aux larmes. Il l'avait rencontré deux ans plus tôt dans le pays d'origine de la demoiselle le Royaume-Uni lors d'un meeting organisé par son entreprise d'immobilier qu'il venait de monter et qui était déjà en pleine réussite. Tout leur souriait à tous les deux et rien n'allait pouvoir entraver leur chemin. Beaucoup les admiraient, d'autre les jalousaient. Il lui confiait même le plus haut poste au sein de ce qui était devenu entre-temps son empire immobilier. Il la regardait s'affairer, travailler et s'épanouir. Ils firent de nombreux voyages ensemble et c'est ainsi qu'il l'amena alors qu'ils étaient tout juste mariés dans sa nation : la Suède. Elle tomba tout simplement amoureuse de cette endroit. Stockholm était pour eux la ville parfaite pour enfin se poser et avoir les enfants dont ils avaient tant parlés. Neuf mois passèrent et le petit Ljuka Søren tant désiré ouvrit pour la première fois les yeux. De nombreuses personnes se bousculaient dans la pièce afin d'apercevoir le petit bout, la famille était réputée dans tout le pays et même en dehors. L'accouchement eu lieu dans la suite parentale, suivant les exigences de la future maman De nombreux journaux s'intéressèrent même à cette naissance, afin d'apporter une touche de légèreté au contexte actuel de l'époque, assez difficile. Le monde lui ouvrait grand les bras. Non, plus que ça : Le Monde lui appartenait. C'est ce que ses parents lui avait promis. La petite sœur qu'il lui avait prévu naquit trois ans plus tard. Et ensuite, plus rien. Ils se remirent à travailler. Tout était pour l'empire, les enfants n'étaient plus là uniquement pour servir le capital sympathie. Bien sûr, ils les aimaient leurs enfants, seulement ils n'avaient pas le temps de concilier à la fois leurs carrières et leur vie de famille. Un simple bisou et un « Bonne nuit » le soir, c'était l'image qu'ils avaient de leurs parents. Ou alors ils les voyaient à la télévision ou dans les journaux. Ljuka aurait bien sûr aimé voir son papa et sa maman plus souvent, mais il n'y pouvait rien, c'était normal pour lui et pour ses amis qu'il avait rencontré dans sa superbe école pour enfants de riches c'était la même chose. Il vivait dans l'insouciance de la jeunesse et puis il avait seulement besoin de battre les cils pour que le moindre de ses souhaits se réalise. Au début, tout était simple. Un peu trop par moment même. Puis la lassitude ainsi que l'adolescence arriva et tout se compliqua.

« Le bonheur est cet état d'esprit où on peut aimer le présent. » Edvard Limonov

Le bonheur, le vrai. Convoité, recherché. Ljuka, il l'a rencontré une fois au moins. La fois où il était allé dans ce champ en bord de mer avec ses amis. Ils avaient mis des ballons de baudruches partout et jouaient dans les épis de blés. L'une des ses dernières soirées avant le nirvana, le bonheur total. Le départ pour New York. Une nouvelle vie. La fin de toute pression. Il s'était enfin rendu compte que l'argent pouvait contribué à son bonheur et aussi à celui des autres. Chose qu'il avait pensée impossible quelques années auparavant, quand il voulait à tout pris s'échapper de ce qui était pour lui sa prison dorée. Son enfer personnel. La raison pour laquelle il avait commencé à fumer. Il voulait se flinguer les poumons. Mais il voulait surtout choquer. C'était ça le bonheur pour lui durant une petite période. S'autodétruire. Tout ça à cause de tout cet argent. Mais en grandissant, il a appris à en voir le bon côté. Sans jamais s'arrêter de fumer, l'addiction étant bien trop forte et la volonté elle, trop faible. De toute façon, il allait devoir faire toute sa vie avec de l'argent provenant de ses parents qui travaillaient comme des tarés. Alors autant en profiter. Il allait partir pour une nouvelle vie. Il allait vivre dans un superbe appartement situé à côté de Central Park, propriété de Kelinski Immobilier, bien sûr. Mais là-bas au moins, aucun jeune voire même personne ne savait qui il était. Et il avait la chance de maitriser à merveille la langue de Shakespeare.

« Nulle amie ne vaut une sœur. » Christina Rossetti

Le plus grand amour de sa vie n'avait donc pas été son père ou sa mère ni même un de ses grands-parents étant donné qu'il n'en avait jamais connu un seul ; mais ce fut bel et bien sa sœur. Ils n'étaient pas jumeaux mais se ressemblaient tout de même sur beaucoup de points. Bon physiquement, ils étaient aux antipodes l'un de l'autre puisqu'elle avait hérité de la blondeur angélique de sa mère. Tout le portrait craché de cette même femme qui avait rendu leur père fou amoureux vingt ans plus tôt d'ailleurs. Mais excepté ceci, ils étaient vraiment sur la même longueur d'onde à bien des niveaux. Le fait qu'ils aient grandi tous les deux ensemble et se soient élevés mutuellement -non sans l'aide de quelques nourrices- bien sûr y est pour beaucoup. Ljuka n'a jamais eu l'impression que sa sœur lui piquait la vedette. Tout simplement parce qu'il n'avait jamais demandé à être exposé. Sa petite Milla chérie ne semblait jamais souffrir de cette exposition forcée. Elle trouvait ça agréable et rien que pour cela il l'admirait. Se demandait comment elle faisait pour supporter la pression qu'on leur mettait pour qu'ils soient parfaits, bien que la pure perfection n'existe probablement pas. Elle ne se prend tout simplement pas la tête et vit dans l'instant présent, ne se préoccupant pas de son avenir. Et s'amusant bien sûr à embêter son frère. Elle était bien plus sociable que lui, sans doute représentait-elle mieux l'esprit de cette famille. Elle était sa Mimi, il était son Lulu et c'est bien sûr toujours le cas. Tous deux étaient très fusionnels et Milla a aussi mal vécu son départ pour New York que lui au début. Ils s'appelaient même tous les jours. Ils s'en foutaient du prix de la communication vers l'étranger, ils avaient de quoi payer. Le plus dur à gérer c'était le décalage horaire alors pour se faire plaisir et sachant qu'elle allait quand même décrocher, il n'hésitait pas à l'appeler en pleine nuit.
« Hey ma Mimi ! Tu vas bien ? »
« Putain Lulu tu m'énerves là tu sais très bien qu'il est cinq heures du matin ici et que j'ai le sommeil léger ! »
« Oui oui. Moi aussi je t'aime. »
« Pff, t'es con. »
« Et puis d'ailleurs hein, si tu veux pas que je te réveille mademoiselle, t'as juste à éteindre ton téléphone ! »
« Roh c'est bon hein monsieur le moralisateur ! ... »
« Avoue juste que tu crevais d'envie de me parler. »
« Oui bon hein c'est bon ! Toi t'es à New York tu t'amuses et tout ! Moi bah Stockholm c'est toujours aussi...Stockholm quoi ! »
« T'as qu'à venir me rejoindre ! J'ai une superbe vue sur Central Park, je traine avec des gens beaucoup plus cool et c'est si beaaaaaau ! »
« Raaaaah ! Tu me tortures là. Bon demain j'appelle maman et je lui demande. Bon je te laisse, demain j'ai cours. »
« Bye mon ours. »

C'est ainsi que quelques mois plus tard elle débarqua dans la grande ville de New York. Bon, déjà ils avaient la chance indéniable d'être tous les deux bilingues grâce à leur mère anglaise alors l'intégration fut assez simple. Pendant qu'il étudiait à l'université de Columbia, elle allait dans une école privée pour filles super select. Il était tout simplement rassuré et heureux de la savoir là, près de lui.

« Pour que les gens tombent amoureux de vous, il n'y a pas trente-six méthodes : il faut faire semblant de s'en foutre complètement. Stratagème infaillible. » Frédéric Beigbeder

« Dis mon Lulu, faut absoluuuument que je présente Zoé. »

Zoé était désormais la meilleure amie de Milla. Les deux jeunes filles s'étaient rencontrées sur les bancs de l'école new-yokaise. Toutes deux issues de bonnes familles. Ljuka lui, lorsque sa sœur lui annonça ceci, ne ressentit rien de particulier. Il se souvenait des amis de leurs amis à Stockholm. En effet, dans ce genre de milieu, les enfants grandissent ensemble, ainsi les deux frangins eurent durant très longtemps la même bande. Mais ici c'était différent, il avait pris un nouveau départ en venant ici de même que sa sœur. Et lui était à la fac. Il organisa une fête-beuverie afin d'intégrer Milla à la Grosse Pomme. C'était presque un passage obligatoire ici. Zoé était la seule que Milla avait invitée. Ljuka lui ouvrit la porte et lui dit avec un grand sourire bonjour en lui tendant la joue. C'était donc elle la nouvelle meilleure amie de sa sœur. Quelques heures plus tard et l'alcool y étant pour beaucoup, ils étaient déjà en train de s'embrasser et il lui promettait de nombreuses choses. Mais Zoé elle crut en toutes ces promesses d'un bel avenir et cætera. Elle n'avait pas autant bu que lui et se rappelait de tout. Elle quittait la soirée éperdument amoureuse de lui et repassait souvent officiellement pour voir Milla. Il ne se rendit compte de rien et à chaque soirée arrosée, de nouvelles promesses. Plus il s'en fichait d'elle, plus elle était amoureuse. Aux yeux de Ljuka, elle n'était que l'amie de Milla et rien de plus. Cette dernière s'en rendit compte d'ailleurs et elle les poussa dans les bras l'un de l'autre. Il n'était pas amoureux, mais bon. Elle pouvait bien l'aider à passer le temps. Il ne se rendait pas compte qu'il était petit à petit en train de la détruire. L'apothéose fut bien sûr lorsqu'il décida de rompre avec elle, ayant des vues sur quelqu'un d'autre. En réalité, elle lui avait permis une chose : grâce à elle il s'était rendu compte qu'il aime les hommes et uniquement les hommes. Depuis ce jour donc, ce n'est plus la meilleure amie de Milla, et tous les deux ignore ce qu'elle devient mais à vrai dire, ils s'en fichent.

« La vie homosexuelle n'est qu'un tour d'autos-tamponneuses. » Andrew Holleran

« 17 septembre 2011. Voilà, j'ai attendu environ dix-neuf bonnes années de ma vie avant de me rendre compte que je n'arrivais qu'à aimer les hommes. Les femmes, je ne les vois qu'en tant qu'amies mais jamais plus. Et j'ai décidé d'assumer après tout, c'était un des seuls moyens pour éviter que des filles ne me courent après alors que ce ne sera bien sûr jamais réciproque. En toute modestie, bien sûr. Non, définitivement le fait que ce soit clair permet d'éviter toute ambiguïté dès le départ et puis en général, les filles n'ont pas de problèmes avec ça. Des fois j'ai même l'impression qu'elles pensent que je suis l'une d'entre elles. Surtout quand elles n'hésitent pas à parler ouvertement de leurs problèmes mensuels... Les histoires de mecs je veux bien, mais ça... Plus sérieusement, quand j'ai fait mon coming-out, Milla était super contente et papa et maman s'en fichaient. Maman m'a envoyé un mail du genre « C'est bien mon petit ! Tu voles enfin de tes propres ailes. » Woaw bravo, j'en demandait pas tant. Sûr qu'elle l'a envoyé en réunion en plus. Le plus difficile après, c'est pour trouver un mec. Dur d'en trouver un qui s'assume aussi. Récemment, j'ai croisé un joli garçon à une soirée chez des amis. Il me semble qu'il s'appelle Elio, à ce qu'on m'a dit. Je revois encore son joli petit minois. Aaaah, je pense beaucoup à lui alors que je ne lui ai jamais parlé et que je ne le connais même pas... C'est bizarre. Est-ce que c'est ça qu'on appelle l'amour ? Pfeuh. Tiens d'ailleurs faut que j'aille me rererefaire tatouer depuis le temps que j'en parle. Et que j'achète des clopes aussi. C'est la crise. »