Joy. Pourquoi appeler une jeune fille Joy, alors que sur le visage de celle-ci, aucunes traces de joie, aucuns sourires, et aucune présence d'un quelconque bonheur. Simplement pour la faire espérer. Depuis toute petite, Joy espère. Elle tente de se créer un monde où elle sera en sécurité, un monde sans brigands et malfaiteurs. Mais non, la vie n'est pas un long fleuve tranquille, et c'est pour cela que Joy, au fil du temps, a appris à nager. Réservée, elle ne le sera plus une fois qu'elle connaîtra la personne. C'est une jeune fille très agréable, sympathique, généreuse, mais …. seulement avec les femmes. En effet, la simple présence d'un homme la rend folle, l'apeure. Qu'aucun homme ne s'avise de la toucher … En effet, son passé lui a fait développer une sorte de bulle, dans laquelle la jeune fille évolue et vit. Pourtant un jour, il faudra bien qu'elle reprenne confiance en elle et en les autres. Pour ça, il faudra s'armer de patience, car la blonde n'est pas facile. Cap de relever le défi ?

«  Raconte moi tout Joy, tu peux. Je te promet de ne rien dire et je jure ici, devant toi et devant les étoiles que tes paroles resteront ancrées en moi. » Les larmes dévalaient mes joues, les étoilées brillaient bien trop fort. Il était bien trop gentil. J'étais bien trop naïve. Glissant mes bras derrière ma tête, je soupirai, tout en laissant les perles nacrées au goût de sel dévaler mes joues. «  Bon, ok, je vais tout te dire. En commençant par le début, le tout début. C'était un soir, après le lycée. Je venais de passer une journée insupportable où les profs m'avaient pris la tête, où je n'avais cessé de rêver en regardant par la fenêtre. J'étais dans ma chambre, une tasse de café en équilibre sur mes cours, l'ordinateur sur les genoux, pianotant frénétiquement. Mon père était rentrée, la porte avait tapé contre le mur, décollant quelques morceaux du placo blanc. Les joues rougies par l'alcool et le froid, un bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles, il avait l'allure d'un bûcheron. Redressant la tête, j'avais croisé son regard et mes flancs avaient étaient aussitôt irradiés d'une onde de peur. D'un geste qu'il avait voulu tendre, il empoigna ma joue. Ses paumes rugueuse caressèrent mon visage, je ne bougeais pas, terrifiée. Puis, le premier coup était arrivé. Je l'avais senti venir, comme chaque soir, le même rituel, le même ballet, la même chose, des coups, des coups. Il n'avait pas frappé fort, et le simple fait qu'il s'était adouci me pinca le cœur. Je fermai les yeux, passai ma langue sur mes lèvres, et les mordit sauvagement. C'était mon remède, pendant qu'il me rouait de coup. Cela me permettait d'évacuer toute ma honte, ma futile hargne et ma colère. Le deuxième coup fut raide, rapide mais plus violent que le précédent. Il me frappa juste entre l'épaule et le coup, au niveau de la nuque. Je sentis ma peau brûler sous ses doigts. Me recroquevillant sur moi même, je ne pus retenir les sanglots qui dévalèrent mes joues, épousant mon visage avec ferveur. Il tourna les talons, laissant la porte ouverte. Mes doigts effleurèrent l'endroit où son poing s'était écrasé. Tu sais Mike, ce que j'ai ressenti à ce moment là ? Je me suis sentie conne, tellement conne que j'en ai encore plus pleuré. J'avais envie de tout casser, de jeter sa putain de télé par dessus la fenêtre, de lui dire d'aller se faire voir, de fuir, oui, de m'envoler vers d'autres horizons. Et tu sais ce que j'ai fais, hein Mike, tu sais ce que j'ai fais ? Je me suis levée, j'ai étiré mes muscles douloureux et je suis allée lui faire son café. Comme si, chaque jour, chaque nuit, il m'offrait la protection qu'un père doit offrir à sa fille, comme si il était l'homme dont j'avais besoin, l'homme qui m'aidait, et m'aimait, coûte que coûte. Puis, quand il s'est endormi, je suis remontée dans ma chambre, j'ai pris mon sac, enfourné des fringues, mon ordinateur, et je suis partie. Silencieuse, discrète, j'ai pris la fuite. Tu sais ce qu'il y a de plus beau là-dedans Mike ? C'est que ce jour là, quand j'ai tourné le dos à cette affreuse vie, à ce père qui me battait, à cette horreur, tu sais ce qu'il se passait ? Il neigeait. Oui Mike. Il neigeait ! J'ai couru dan la neige, j'ai regardé le ciel, et les flocons sont venus se déposer sur mon visage. Et là, j'ai ris. Pas d'un petit rire nerveux, retenu ou poli, non j'ai vraiment ris, d'un éclat de rire que l'on ne peut arrêter. D'un éclat de rire qui signifiait : tout est fini. Et à mesure que le soleil éclaboussait de ses rayons le tapis blanc de la neige, je me suis lancée vers l'aventure, tournant le dos à mon passé.